La Ligue des droits de l’Homme (LDH) a déposé une plainte en France contre Apple, accusant le géant technologique de collecter massivement des enregistrements privés via son assistant vocal Siri. Ces pratiques sont jugées contraires au RGPD et à la vie privée des utilisateurs.
Un signalement et une plainte pour violation de la vie privée
Le 13 février, la LDH a saisi le parquet de Paris avec un signalement et une plainte visant Apple. La société est accusée de violations de la vie privée, traitement illicite des données personnelles et pratiques commerciales trompeuses. Cette action s’appuie sur les témoignages et documents fournis par Thomas Le Bonniec, un ancien employé d’un sous-traitant d’Apple, Globe Technical Services, en Irlande.
Le lanceur d’alerte avait révélé en 2019 que des analystes, comme lui, écoutaient quotidiennement des milliers d’enregistrements provenant de Siri, dont une grande partie était déclenchée par erreur, souvent sans le consentement des utilisateurs. Selon lui, ces enregistrements contenaient des informations personnelles sensibles, allant de conversations sur des maladies, des préférences sexuelles ou des opinions politiques, jusqu’à des moments privés parfois très intimes.
Des pratiques non conformes au RGPD
Selon la plainte, Apple n’aurait pas respecté le Règlement général sur la protection des données (RGPD), qui exige un consentement « éclairé » avant la collecte de données personnelles. Les utilisateurs ne seraient pas informés de manière claire que leurs conversations peuvent être enregistrées et analysées.
Apple affirme pourtant que les données sont anonymisées et utilisées uniquement pour améliorer les performances de Siri. Cependant, Le Bonniec a démontré que les analystes avaient parfois accès à des informations permettant de relier un enregistrement à un utilisateur, notamment via des données comme les contacts, la géolocalisation ou l’historique de l’appareil.
Un système d’écoute à grande échelle
Lors de son passage chez Globe Technical Services, Thomas Le Bonniec a traité jusqu’à 1 300 enregistrements par jour, un chiffre qui montre l’ampleur de la collecte. Il décrit un travail méticuleux où les analystes devaient identifier si les enregistrements étaient déclenchés volontairement ou par accident. Certains enregistrements, qualifiés de « triggers accidentels », révélaient des détails très privés des utilisateurs, comme des conversations concernant des maladies graves, des conflits personnels ou encore des échanges intimes.
Dans certains cas, les enregistrements incluaient des données sensibles sur des enfants, notamment des conversations enregistrées via des iPads. Apple, de son côté, avait justifié ces pratiques en affirmant qu’elles servaient à améliorer la reconnaissance vocale et les performances globales de Siri.
Une problématique mondiale
Cette plainte en France survient alors qu’aux États-Unis, une action collective similaire est en cours. La justice californienne doit statuer sur un accord à l’amiable proposé par Apple, qui prévoit un fonds d’indemnisation de 95 millions de dollars pour les plaignants. Cet accord n’inclut aucune reconnaissance de culpabilité, mais il met en lumière des accusations similaires : l’enregistrement et le stockage de conversations privées à des fins non transparentes.
Aux États-Unis comme en Europe, Apple défend sa position en déclarant que « les données Siri n’ont jamais été utilisées pour créer des profils marketing ni vendues ». La société souligne qu’elle travaille continuellement à renforcer la confidentialité de ses produits.
Un enjeu pour les GAFA
Cette affaire soulève des questions sur les pratiques des grandes entreprises technologiques en matière de collecte de données et les assistants vocaux des principaux acteurs du marché (Google, Amazon, Microsoft) fonctionnent de manière similaire.
En France, les différents signalements auprès des régulateurs comme la CNIL n’ont pas encore donné lieu à des enquêtes approfondies.