Le ministère américain de la Justice (DOJ) a récemment fait un pas de géant dans sa lutte contre le monopole des grandes entreprises technologiques. Après qu’un juge a jugé Google coupable d’abus de position dominante sur le marché de la recherche en ligne, le DOJ envisage désormais des mesures qui pourraient contraindre l’entreprise à céder des actifs majeurs, notamment son système d’exploitation Android et son navigateur Chrome. Cette proposition marque l’une des actions antitrust les plus audacieuses du gouvernement américain depuis la tentative de démantèlement de Microsoft il y a deux décennies.
Un jugement historique contre le monopole de Google
En août 2024, le juge Amit Mehta a statué que Google détenait un monopole illégal, lui permettant de contrôler plus de 90 % du marché de la recherche en ligne aux États-Unis. Ce monopole, maintenu par des accords exclusifs avec des fabricants de smartphones comme Apple, permet à Google de préinstaller son moteur de recherche par défaut sur la plupart des appareils. Pour remédier à cette situation, le DOJ propose des “remèdes structurels” qui pourraient aller jusqu’à forcer Google à se séparer de certaines de ses activités phares.
L’une des cibles principales est le système d’exploitation Android, utilisé sur des milliards d’appareils dans le monde entier. Une telle scission pourrait fondamentalement transformer le marché de la technologie mobile, offrant aux concurrents de Google, comme Microsoft ou Amazon, une occasion en or de renforcer leur présence sur ce secteur.
Quelles autres mesures sont sur la table ?
Le DOJ n’envisage pas seulement de démanteler Google. Parmi les autres propositions, il pourrait demander l’interdiction des accords par lesquels Google paie des milliards de dollars à des entreprises comme Apple pour que son moteur de recherche reste le choix par défaut sur des navigateurs comme Safari. En 2021, Google aurait dépensé plus de 26 milliards de dollars pour s’assurer de sa place dominante.
En outre, le DOJ souhaite limiter l’accès de Google à des données exclusives, qui lui permettent d’améliorer son moteur de recherche et de développer de nouveaux produits basés sur l’intelligence artificielle. Cela inclut des exigences visant à partager ces données avec les concurrents ou même à interdire à Google d’utiliser certains contenus web pour entraîner ses modèles d’IA, si les propriétaires des sites s’y opposent.
L’avenir de l’intelligence artificielle sous surveillance
Le DOJ veut également empêcher Google d’utiliser son pouvoir actuel pour renforcer sa position dans le domaine en plein essor de l’intelligence artificielle. Le ministère propose de donner aux rivaux de Google un accès à certaines de ses ressources, notamment les données de recherche, les index et les modèles d’IA, pour favoriser une concurrence plus équitable.
Une telle régulation pourrait avoir des implications considérables sur le développement de l’intelligence artificielle aux États-Unis. Google, de son côté, s’inquiète des effets potentiels sur l’innovation dans ce domaine crucial, affirmant que ces mesures pourraient “biaisser les investissements, perturber les incitations et freiner l’émergence de nouveaux modèles économiques” au moment où le secteur technologique a le plus besoin d’encouragements.
Google contre-attaque : un recours possible devant la Cour suprême
Si le juge Mehta approuve les mesures proposées par le DOJ, Google prévoit de faire appel, ce qui pourrait retarder l’issue finale de cette affaire pendant plusieurs années. Une bataille juridique prolongée pourrait mener l’affaire devant la Cour suprême des États-Unis, faisant de ce procès l’un des plus importants de l’histoire récente de la régulation des technologies.
En réponse à ces propositions, Google a qualifié les remèdes de “radicaux et extrêmes”, ajoutant qu’ils allaient bien au-delà des enjeux juridiques soulevés dans cette affaire. L’entreprise insiste sur le fait que ses succès découlent de la qualité de ses produits, et non de pratiques anticoncurrentielles. Elle fait valoir qu’elle fait face à une concurrence féroce d’autres entreprises comme Amazon ou Microsoft et que les utilisateurs ont toujours le choix d’utiliser d’autres moteurs de recherche.
Une décision qui pourrait redéfinir le secteur technologique
L’impact potentiel de cette affaire sur l’industrie technologique ne peut être sous-estimé. Si le DOJ obtient gain de cause et que Google est contraint de se séparer de ses activités liées à Android et Chrome, cela pourrait remodeler l’ensemble du secteur. Des entreprises comme Yelp et DuckDuckGo, qui ont soutenu la cause contre Google, espèrent également que cette décision ouvrira la voie à une concurrence plus équitable.
En parallèle, la situation de Google est scrutée de près à l’international. En Europe, où Google fait également l’objet d’enquêtes antitrust, la commissaire à la concurrence Margrethe Vestager envisage des mesures similaires, bien qu’un démantèlement complet semble peu probable à court terme.
Avec les audiences prévues pour avril 2025 et une décision finale attendue d’ici août de la même année, l’issue de ce procès pourrait avoir des répercussions de grande envergure, non seulement pour Google, mais pour l’ensemble de l’industrie technologique. Une chose est sûre : le monopole de Google est plus que jamais remis en question, et son avenir se joue désormais dans les tribunaux.