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Le Royaume-Uni prêt à abandonner son offensive contre le chiffrement d’Apple pour satisfaire Trump

Depuis plusieurs mois, Londres menaçait d’imposer à Apple l’instauration d’une porte dérobée dans ses systèmes de chiffrement, au nom de la sécurité nationale. Mais face à la pression de l’administration américaine, le gouvernement britannique semble désormais prêt à faire machine arrière.

Un recul stratégique face aux tensions transatlantiques

Début 2024, le Royaume-Uni avait modifié sa législation pour exiger un accès total aux données des utilisateurs d’iPhone, y compris hors de ses frontières. Cette demande s’appuyait sur le très controversé “Snoopers’ Charter”, qui permet en outre d’interdire à Apple de révéler l’existence même de cette exigence. En réponse, la firme californienne avait désactivé la fonctionnalité Advanced Data Protection pour ses utilisateurs britanniques et saisi la justice. WhatsApp, détenue par Meta, s’est rapidement jointe à ce recours.

Mais selon le Financial Times, les autorités britanniques chercheraient désormais une issue de secours. Un haut fonctionnaire du ministère de la Technologie aurait déclaré : « Le vice-président américain est très mécontent de la situation et il faut régler ça. Le Home Office va devoir reculer. » D’autres sources évoquent un embarras grandissant au sein du gouvernement britannique, qui serait en quête d’un compromis pour préserver ses ambitions dans l’IA tout en évitant un conflit avec Washington.

Trump et Vance montent au créneau

Le revirement serait en grande partie motivé par la position ferme de l’administration Trump. Donald Trump, en lice pour un retour à la Maison-Blanche, s’est publiquement opposé à toute atteinte au chiffrement, exhortant le Premier ministre Keir Starmer à ne pas légiférer en ce sens. Son vice-président, JD Vance, aurait également fait part de sa vive irritation, jugeant que cette initiative pourrait être perçue comme une menace contre la liberté d’expression.

Cette crainte d’un amalgame entre surveillance et censure est prise très au sérieux à Londres. Le Royaume-Uni, qui s’efforce de maintenir des relations privilégiées avec Washington, notamment en matière de partage de renseignements, redoute que cette affaire n’entame la confiance américaine. Un rapport évoque même une possible réduction de la coopération entre les services de renseignement des deux pays.

La fronde des géants de la tech

Outre les pressions américaines, le gouvernement britannique doit aussi composer avec la fronde des géants technologiques. Apple a rappelé qu’il n’a jamais fourni d’accès direct à ses serveurs ni créé de clés maîtresses pour aucun gouvernement. L’entreprise coopère avec les autorités lorsqu’elle y est légalement contrainte, mais refuse toute compromission de la sécurité globale de ses systèmes.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : entre janvier et juin 2024, Apple a reçu près de 3 000 demandes de données d’appareils au Royaume-Uni, contre plus de 12 000 aux États-Unis. Un volume en forte croissance, révélateur de l’ampleur des enjeux.

Certaines entreprises menacent même de quitter le marché britannique si la loi les oblige à affaiblir leurs dispositifs de sécurité. Meredith Walker, présidente de Signal, déclarait en 2023 que sa plateforme se retirerait « sans hésitation » si elle devait sacrifier la confidentialité de ses utilisateurs.

Des choix juridiques à double tranchant

Le Royaume-Uni a-t-il en réalité obtenu ce qu’il cherchait ? En forçant Apple à restreindre certaines fonctionnalités localement, il a placé les utilisateurs britanniques dans une situation d’infériorité numérique. Moins protégées que celles d’autres pays, leurs données sont désormais un maillon faible, ce qui complique les échanges internationaux.

Ce recul s’inscrit dans un contexte plus large où Londres tente de ménager les intérêts économiques américains, notamment en matière d’intelligence artificielle. Le gouvernement envisage d’autoriser les entreprises américaines à exploiter librement les œuvres protégées par le droit d’auteur pour entraîner leurs modèles, au risque de nuire gravement aux industries culturelles locales.

Vers une désescalade discrète

Officiellement, le Royaume-Uni n’a pas encore renoncé à sa demande. Mais les signaux en coulisses pointent vers un désengagement progressif. À court terme, la visite prochaine de Donald Trump à Londres, prévue avant la fin juillet 2025, pourrait précipiter les choses. Une autre loi controversée, visant à imposer davantage de régulation aux géants du numérique, doit entrer en vigueur à la même période.

Le gouvernement britannique semble désormais naviguer à vue entre ambitions sécuritaires, intérêts commerciaux et réalités géopolitiques. Le bras de fer avec Apple pourrait ainsi s’achever non pas sur une victoire politique, mais sur un compromis en coulisse.

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